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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Mise en œuvre en France d’un mandat d’inaptitude établi à l'étranger. Convention de La Haye de 2000


Civ. 1, 27 janvier 2021, n°19-15.059



Le 14 décembre 2012, C... Y... a signé à Pully (Suisse), où elle résidait habituellement, un mandat d’inaptitude, visant la loi suisse, qui désignait en qualité de mandataire son fils, M. Z... Y... et comme suppléant, M. X... . Sa mère ayant fixé en France sa résidence habituelle, M. Z... Y... a mis en œuvre le mandat en le faisant viser par le greffier du tribunal d’instance de Bayonne le 30 juin 2017.

2. M. Y..., autre fils de la mandante, a saisi le juge des tutelles de Bayonne d’une contestation de la mise en oeuvre du mandat de protection future.


La Cour d'appel de Pau considère que le mandat d'inaptitude établi par C... Y... le 14 décembre 2012 n’aurait pas dû recevoir le visa du greffier du tribunal d’instance de Bayonne en vertu de l’article 1258-3 du code de procédure civile, et de prononcer en conséquence l’annulation de ce visa.


Selon l'article 1258-3 du Code de procédure civile


"Si l'ensemble des conditions requises est rempli, le greffier, après avoir paraphé chaque page du mandat, mentionne, en fin d'acte, que celui-ci prend effet à compter de la date de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au mandataire, accompagné des pièces produites".


Or, selon la Cour d'appel le mandat ne comportait formellement aucune modalité de contrôle du mandataire, « la seule référence de l’acte stipulant qu’il est soumis aux règles des articles 360 et suivants du code civil suisse ne pouvant pallier cette carence et être tenue pour équivaloir à la nécessité d’énoncer "formellement" les modalités de contrôle de l’activité du mandataire »


Le second moyen du pourvoi reproche à la Cour d'appel d'avoir annuler le visa alors qu'un mandat d’inaptitude relevant d’un droit étranger n’a pas à remplir les conditions de validité du mandat de protection future français pour être exécuté en France.


La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en ce qu'il a exigé à un mandat d'inaptitude soumis à une loi étrangère des conditions de validité imposées par la loi française.


La Cour de cassation vise la convention de La Haye sur la protection internationale des majeurs en date du 13 janvier 2000 et spécialement les articles 15 concernant la loi applicable au mandat d'inaptitude.


Article 15

1. L'existence, l'étendue, la modification et l'extinction des pouvoirs de représentation conférés par un adulte, soit par un accord soit par un acte unilatéral, pour être exercés lorsque cet adulte sera hors d'état de pourvoir à ses intérêts, sont régies par la loi de l'Etat de la résidence habituelle de l'adulte au moment de l'accord ou de l'acte unilatéral, à moins qu'une des lois mentionnées au paragraphe2 ait été désignée expressément par écrit.

2. Les Etats dont la loi peut être désignée sont les suivants:

a) un Etat dont l'adulte possède la nationalité;

b) l'Etat d'une résidence habituelle précédente de l'adulte;

c) un Etat dans lequel sont situés des biens de l'adulte, pour ce qui concerne ces biens.

3. Les modalités d’exercice de ces pouvoirs de représentation sont régies par la loi de l’Etat où ils sont exercés.



En l'espèce, le mandant résidait en Suisse au moment où le mandat d'inaptitude a été établi. Le fait qu'il est venu résider en France par la suite n'a aucune incidence sur la loi applicable à l'existence, l'étendue, la modification et l'extinction des pouvoirs de représentation, mais seulement sur les modalités d'exercice du mandat.


En effet, il faut clairement distinguer la mise en oeuvre du mandat d'inaptitude de sa validité.


Le mandat de protection future étant mis en œuvre en France, il était donc soumis à ce titre au droit français en application de l'article 15-3 de la Convention.


Pour la Cour de cassation "la mise en oeuvre en France d’un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un Etat étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle, peut être soumise, au titre des modalités d’exercice des pouvoirs de représentation mentionnées au paragraphe 3, à une procédure de visa destinée à vérifier que l’altération des facultés du mandant a été médicalement constatée et à fixer la date de prise d’effet du mandat".


Ce que reproche la Cour de cassation c'est que la Cour d'appel à appliquer à la validité du mandat d'inaptitude la loi française alors que la loi Suisse était applicable en vertu de l'article 15-1 de la Convention.


Pour la Haute juridiction, "la mise en œuvre en France d’un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un Etat étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle (...) ne saurait être subordonnée à des conditions propres au droit français, telles que l’exigence d’une prévision expresse, dans le mandat, de modalités de contrôle du mandataire que n’impose pas la loi applicable à cet acte".


Ainsi "la mise en oeuvre en France d’un mandat d’inaptitude suisse ne pouvait être subordonnée à une condition de validité que n’imposait pas la loi suisse"

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